TRIBUNE. Selon le pédopsychiatre Christian Flavigny*, l'attrait que peut exercer l'islamisme chez les jeunes musulmans de France se nourrit de la dérive wokiste de notre société..
Le sondage de l’Ifop récemment paru, qui fait couler tant d’encre, nous le confirme donc : la charia l’emporte en prestige sur les « lois de la République » chez une majorité de jeunes musulmans. Cela appelle bien sûr une réflexion sur une immigration à majorité musulmane et sur la démarche conquérante de l’Islam. Il ne faut pourtant pas ignorer l’essentiel : nous sommes les responsables d’un mépris que leur inspirent ces lois, mépris qui les précipite dans une culture islamique qui dans son inspiration les conteste.
C’est particulièrement le cas pour les lois sociétales de ces dernières années. Le législateur français avait voulu que la diversité des inclinations de vie sexuelle participe de la vie des familles. Soit. Mais pour ce faire, il a introduit en France la pratique nord-américaine autorisant qu’un enfant soit conçu sans père ; le repiquage de ce principe, importé tel quel d’outre-Atlantique, commit l’erreur de ne pas prendre en compte les contextes culturels. La pratique nord-américaine est factuelle, elle n’éradique pas le principe de paternité, lequel est aux États-Unis dévolu au registre religieux qui y gère les repères anthropologiques : le président prête serment sur la Bible, le mariage religieux vaut mariage au civil, etc. C’est la raison pour laquelle le principe français de laïcité y est incompris, et dénoncé comme liberticide.
C’est l’inverse en France, pays laïque dont le droit, contrairement à la common law anglo-saxonne, intègre le principe anthropologique. Les pratiques de l’adoption illustrent cette différence d’approche. En culture française, légaliser qu’un enfant puisse être privé d’avoir son père disqualifie le principe de paternité pour tous les enfants : le père est devenu un personnage facultatif de la vie de toutes les familles françaises. Le législateur des lois de 2013 (adoption) et de 2021 (PMA) avait pourtant été avisé que son but pouvait être atteint sans vider l’horizon culturel français de la figure du père.
La France ne fait plus rêver
La radicalisation des jeunes élevés dans la tradition musulmane traduit une façon de combler ce vide de repères symboliques. Beaucoup, à l’exemple de leurs parents, acceptent le primat des lois françaises sur la religion. Mais qu’ils aient souffert de vies familiales désorganisées, notamment d’une carence de présence paternelle, comme cela devient fréquent dans beaucoup de familles françaises de toutes confessions, ils ne trouvent alors pas, dans la vie sociale qu’ils découvrent, le relais symbolique cohérent auquel se référer pour se projeter dans leur avenir. La France ne les fait plus rêver.